Aujourd'hui je vais vous raconter une histoire : « Il était une fois la Famille du Nom ». Dans cette famille il y a la Maman-Nom, représentée par un triangle noir. Elle tient dans ses bras son bébé, appelé le déterminant, représenté lui par un minuscule triangle azur. Dans l'autre main, elle tient son fils ainé, l'adjectif, vu comme un joli triangle bleu … »

Serions-nous en train de lire un album pour enfant en âge pré-scolaire ? Illustré à la manière abstraite et poétique d'un Pippo Lionni ? » Ou de feuilleter un « livre expérientiel » comme le nouveau « Chaperon rouge » de la collection « Raconte à ta façon » chez Flammarion Jeunesse ?

Détrompez-vous, vous êtes en train d'assister à une leçon de grammaire, ou plus précisément de psycho grammaire.

La psycho grammaire, avec ses « soeurs », la psycho arithmétique et la psycho géométrie, forment la triade de la psycho didactique inventée par Maria Montessori. 

Plus que trois matières dans le sens scolaire du terme, ces trois disciplines sont conçues comme des outils pour le développement psychique de l'enfant. Ainsi, comme la grammaire traditionnelle est « donnée » à l'enfant sous forme des notions abstraites et des règles, la psycho grammaire est plutôt « extraite » de son psyché, qui en possède inconsciemment déjà les bases, par des jeux, des actions et des expériences pratiques.

Avec les matériels de développent pour l'analyse grammaticale la pédagogue italienne réussit, comme elle l'a fait précédemment avec les mathématiques, à « matérialiser des abstractions » de façon simple, intuitive et interactif. Le nom, l'adjectif, le verbe dans la psychogrammaire ne sont plus des parties inertes du discours mais des sujets dotés d'intentions avec des qualités physiques à manipuler.  On pense par exemple à la mise en scène des 2 parties principales du discours, incarnés par deux objets concrets tels qu'une pyramide et une sphère. De toute évidence le nom est représenté par la pyramide, noire et immobile, car c'est l'élément stable dans la phrase, celui par lequel on commence. Toutefois il peut s'animer grâce au verbe, représenté par une sphère rouge, mobile et dynamique comme un soleil qui insuffle de la force vitale. 

Une ultérieure progression vers la notion abstraite est le passage de la perception sensorielle au « sentir » visuel. Au 9 parties du discours sont ainsi associés des symboles représentées par des figures géométriques planes - des triangles, des ronds et des formes plus articulées - regroupés par familles. Par leur formes, par leur changement de taille et de couleur, il apparait évident la façon dont ces formes sont reliées avec les 2 parties principales du discours et comment elles entretiennent des rapports entre elles.

Enfin pour aider à intérioriser facilement les symboles et pour les mettre en corps, intervient la narration : la nomenclature visuelle et son fonctionnement prendent alors une air de famille avec l'histoire des fratries de triangles, de soleil et des satellites et des drôles d'« assistants » qui aident à chiffrer et à déchiffrer les discours. 

Sous le prisme de l'analyse formelle, on ne peut que rester ébloui par la beauté minimaliste associée à la fonctionnalité du système pictographique montessorien.